Le boom démographique fera-t-il boum ?
Au programme cette semaine :
L’erreur de Luc Broussy
“Le constat démographique n’est pas le constat de santé publique”
Le point sur les besoins en matière d’EHPAD en 2030 (Mon calcul versus celui de la DREES)
L’interview de Benoit Godiard - Construire un monde sans dépendance
En bref, on ne va parler que d’une chose ici : comment éviter le scénario catastrophe que l’on nous prédit pour 2030 ?
Je vous ai déjà donné ma vision dans la vidéo : Moi président , que je vous incite à visionner (au moins les deux premières minutes). Maintenant, et en attendant le debrief de cette vidéo, on va essayer d’évaluer la pertinence de cette stratégie de prévention de la dépendance et de montrer qu’une prévision démographique est justement faite pour être évitée !
PS : Promis j’arrête bientôt avec ces histoires de politiques publiques pour revenir très prochainement à des questions de pratiques professionnelles et de psychologie des personnes âgées !
L’erreur de Luc Broussy
"il n’y a pas, sur le long terme, d’alternative à l’Ehpad. Telle est notre conviction profonde. Certes, tout le monde souhaite que nos concitoyens puissent, demain, rester le plus longtemps possible à domicile. [...] Mais la très forte progression du nombre de personnes âgées dépendantes à partir de 2030 ne permet aucun doute : les Ehpad continueront de constituer l’offre centrale dans la prise en charge des personnes les plus touchées par la perte d’autonomie notamment psychique.
Source : L'ehpad du futur. Think Tank Matière Grise.
L’erreur de Luc Broussy dans ce texte est de faire passer sa conviction pour une vérité, s’appuyant sur une projection démographique certes sans appel, à condition que rien ne change.
Sauf que…
Une conviction n’est pas une preuve. C’est bien les convictions, moi-même je défends les miennes, mais je ne les fais pas passer pour une réalité immuable et indiscutable, qui coupe court à toute intention de réflexion.
surtout “Le constat démographique n’est pas le constat de santé publique”
“Le constat démographique n’est pas le constat de santé publique”
Certes le nombre de personnes qui arrivent au grand âge va radicalement augmenter : + 1 million de personnes de 80 ans et plus entre 2020 et 2030. C’est le fameux papy-boom !
1 000 000 c'est beaucoup, surtout qu'avec le vieillissement, vient aussi la dépendance. Bien sûr pas systématiquement, mais si on applique un taux d'institutionnalisation équivalent à celui actuel, cela signifie qu'environ 150 000 personnes supplémentaires devront être prises en charge en EHPAD. Et c'est bien ce qui inquiète les politiques.*(dans la partie suivante, nous verrons une autre estimation, de la Drees cette fois-ci)
Ces places n'existent pas et nous n'avons pas le budget pour les construire.
Seule solution nous dit on : Transformer l'EHPAD en une plateforme gérontologique capable d'apporter la prise en charge de l'EHPAD au domicile des personnes.
Sauf qu'il s'agit là d'un constat démographique, pas de santé publique !
La différence ?
La démographie prévoit à situation constante (j'ai ainsi appliqué le taux d'institutionnalisation que l'on observe aujourd'hui sur les 80 ans et plus) quand la santé publique elle agit à faire déjouer les pronostics de la démographie.
Concrètement ?
Une politique de santé publique axée sur la prévention de l'entrée en dépendance permettrait, entre autres, de réduire ce taux d'institutionnalisation.
Et là le calcul devient simple : moins de personnes dépendantes, c'est moins de personnes à prendre en charge en EHPAD.
Et il ne faut pas grand-chose, par exemple réduire de trois points le nombre de personnes de plus de 80 ans prises en charges en EHPAD (passé de 15% à 12%) permettrait de ne pas avoir à construire de nouveaux EHPAD.
Le point sur les besoins en matière d’EHPAD en 2030
Pour les besoins d’un post Linkedin j’ai calculé le taux d’institutionnalisation des 80 ans et plus avec une simple règle de trois : le nombre de personnes vivant en Ehpad / le nombre de personnes de 80 et plus X 100. ce qui représente un taux de 15%.
C’est une approximation évidemment, puisque je prends l’âge comme seul critère, mais c’est simple et plutôt juste en matière d’ordre de grandeur, alors je m’en suis contenté.
Puis en rédigeant ce mail, j’ai trouvé un article de la DREES qui répond exactement à la question posée, et qui s’intitule : Perte d’autonomie : à pratiques inchangées, 108 000 seniors de plus seraient attendus en EHPAD d’ici à 2030.
Vous l’avez compris, tout est dans le titre : ce n’est pas 150 000 mais 108 000 places de plus qu’il faudrait créer.
En fait, 150 000 c’est dans leur objectif pessimiste qui consiste à partir du principe que les gains d’espérance de vie à venir d’ici 2030 seraient des mois et des années en situation de dépendance. (dit autrement : l’espérance de vie augmente mais l’espérance de vie sans dépendance reste la même, et donc on vit plus longtemps mais en situation de dépendance).
Et ça c’est très intéressant, parce que oui tout l’enjeu de notre discussion c’est l’espérance de vie sans incapacité.
Et ce qu’on a besoin, telle est ma conviction, c’est d’une vraie stratégie d’amélioration de l’Espérance de vie sans incapacité !
Reste alors de savoir si c’est possible ? et c’est ce dont nous discutons avec Benoit Godiard dans l’épisode de la semaine !
Comment construire un monde sans dépendance ?
Une fois qu’on accepte l’idée que la démographie n’est pas une fatalité mais, au pire, un défi, au mieux, une opportunité ; et que justement le rôle de la démographie prospective est de pouvoir prendre aujourd’hui les décisions qui déjoueront les pronostics, se pose la question de ce qu’on peut faire.
La méthode est simple (mais pas facile) :
Identifier les principales causes d’entrée en dépendances
Identifier comment éviter l’avènement de ces causes
Déployer les efforts de prévention en ce sens.
Et c’est ce dont on discute dans le podcast : https://podcast.ausha.co/sociogerontologie/benoit-godiard
Spoiler alert : les étapes 1 et 2 sont plutôt bien faites, la 3 ce n’est pas encore ça !
Bonne écoute
Antoine
PS 1 : Est-ce que pour autant l’idée d’EHPAD Plateforme défendu par Luc Broussy n’est pas pertinente → Réponse à la fin du podcast
PS 2 : La DREES triche un petit peu dans son calcul en prévoyant un accroissement de près de 35% du nombre de résidences autonomie. Qui pour une part accueillera des personnes dépendantes qui n’iront pas en EHPAD.